Invité à patienter
Les deux petites paraboles de ce jour décrivent le travail du grand semeur, Jésus. Elles invitent à la patience et à la confiance. Qu'il s'agisse de la semence qui pousse toute seule ou de la graine de moutarde, les deux évoquent la mystérieuse croissance du « règne » ou du « royaume » de Dieu et montrent l'étrange manière d'agir qui est celle de Dieu. Ces paraboles sont un encouragement que Jésus adresse à ses contemporains, étonnés et même déçus de la lenteur avec laquelle le royaume nouveau semble s'installer. Jésus veut « faire entendre que ce Royaume ne résulte pas des efforts des hommes… La semence, en terre, germe et grandit sans que l'homme ne sache comment ; et la plus petite de toutes les semences peut devenir la plus grande des plantes… C'est Dieu qui est à l'œuvre, et qui ne sollicite que notre patience et notre espérance, notre foi. Car ce Royaume qui grandit ne fait pas plus de bruit que la semence qui pousse. Il germe, il croît, se développe, sans bruit : leçon d'humilité. Invitation, aussi, à la reconnaissance. Car la germination est lente : Dieu ne donne jamais dans le spectaculaire, sa toute-puissance ne fait pas d'éclats, mais sa promesse est sûre ». Ces paraboles invitent à ne pas douter de la force infinie et irrésistible de la semence qui ne dépend pas du tout de nos calculs, de nos efforts et de nos programmes. Ce qui revient à ne pas douter du résultat final car Dieu agit souvent dans le secret, le non spectaculaire, l'imprévisible.
Revenons à la parabole de la semence qui pousse toute seule. Celle-ci insiste sur le semeur, étant donné que vivre le règne c'est être semeur, celui qui répand la parole sur tous les terrains. Une fois semée, la semence germe et croît même lorsque le semeur dort. Il est question pour le semeur de demeurer confiant sûr que tout est entre les mains de Dieu. Que le semeur dorme ou veille, « Le fruit produit passe par différentes étapes : l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé. L'évolution entre ces trois étapes suggère le côté irrésistible de la vie qui se déploie à travers la fragilité d'un épi. Le règne de Dieu grandit, même quand je dors et que je ne le vois pas. Je me dois de rester accroché à cette affirmation qui est une espérance… L'évangile a été semé, le jugement est à venir, entre les deux, nous sommes dans le temps de la croissance du règne de Dieu. Cette parabole n'est pas un appel à la passivité, mais à la confiance. Si la journée est le temps des semailles, la nuit est celui du sommeil… en attendant que vienne l'heure de la moisson».
La parabole de la graine de moutarde attire notre attention sur le fait qu'une petite graine peut donner naissance à une plante potagère qui peut atteindre plusieurs mètres. Ceci veut dire que « Dans la logique du royaume, le plus petit donne parfois naissance au plus grand. Parfois, il peut suffire d'une parole, d'une rencontre, d'une expérience pour bouleverser le cours de toute une vie. Une simple graine d'Evangile peut, avec le temps, tout changer. Cette parabole s'adresse à une Eglise fragile et petite, mais qui sait qu'elle détient une annonce de salut qui concerne le monde entier. Plutôt que les oiseaux qui viennent picorer les graines semés, ici ils viennent s'abriter à l'ombre des graines germées. La leçon est que dans la vie il ne faut pas détruire ce qui pourrait vous faire du bien plus tard. Cet arbre « à l'ombre duquel les oiseaux du ciel peuvent habiter [est] : image de l'Eglise ». Pour terminer, notons cependant que la confiance et la patience ne doivent pas faire oublier que la graine a besoin d'une terre, des soins, d'attention et de protection, d'humidité et de chaleur pour assurer sa métamorphose. Autrement dit, si le Seigneur « nous a choisis depuis notre baptême, c'est pour entendre et comprendre sa Parole. C'est pour la recevoir en nos vies, et la laisser germer, porter du fruit, sans trop se soucier du ‘comment' puisque c'est le travail de l'Esprit… mais sans trop y mettre d'entrave…
Le Royaume de Dieu, nous le savons, est au milieu de nous, et il doit grandir au milieu de nous. Il dépend donc en partie de nous d'être bonne terre, de bien arroser les semailles, bref, de faire simplement ce que nous devons faire ; et le reste, l'Esprit le fera par surcroît. » Le disciple du Christ, dans une attente active, participe à la croissance du Royaume en laissant la graine de la Parole de Dieu semée en lui conserver sa force et continuer à croître sans lui faire obstacle.
Fulbert Mujike