Habité par l'amour du Christ

Les paroles de l'évangile de ce dimanche sont empruntées au discours d'adieu. Saint Jean y recueille des paroles du Seigneur qui, tout en livrant les clés de sa propre mission sur la terre, engagent en même temps les disciples à poursuivre son œuvre dans ce monde. Dans ce texte il est beaucoup question d'amour. Jésus parle tantôt de ses commandements ou des commandements du Père, tantôt de son commandement : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Dans ce même chapitre, aux versets 4 et 7 Jésus demandait à ses disciples de demeurer en lui, aujourd'hui, devenant plus explicite, il leur dit : « demeurez dans mon amour ». Il s'agit non pas de susciter l'amour, mais de l'accueillir et de l'habiter. C'est dans ce sens que Jésus fait précéder l'appel à demeurer dans l'amour par l'affirmation de l'amour que lui Jésus a pour ses disciples. Le Christ aime ses disciples, il pose sur eux un regard de bienveillance pour qu'à leur tour ils deviennent plus aimants. Lorsque le disciple est habité par l'amour du Christ, sa foi acquiert un certain rayonnement. Pour Jésus, c'est en gardant son commandement qu'on demeure dans son amour. Ainsi donc, le disciple ne pourra aimer vraiment que s'il se laisse habiter par le Christ à l'image de la communion qui existe entre Jésus et son Père. Le Christ invite le disciple à poser sa demeure en lui afin qu'il vienne habiter ses paroles, ses actes et ses pensées. Ainsi compris, le commandement du Christ n'est pas lourd à porter, il est plutôt « porteur de joie. Le but de la foi chrétienne est une joie complète… La joie est un fruit de l'esprit, un accueil du oui fondamental que Dieu prononce sur mon existence : ‘La joie de Dieu est passée par le dénuement de la crèche et la détresse de la croix : c'est pourquoi elle est invincible, irrésistible. Elle ne nie pas la détresse là où elle se trouve, mais au sein de cette détresse, en elle, elle trouve Dieu' (D. Bonhoeffer, théologien allemand ». Fruit de l'Esprit, la joie peut servir de critère d'évaluation de la foi. Dans la suite du texte Jésus montre que la source de l'amour du disciple se trouve dans l'amour de Dieu. Puisque « Le Père a aimé le Fils, le Fils a aimé ses disciples, les disciples sont invités à demeurer dans l'amour du Fils en s'aimant les uns les autres… Lorsque je n'arrive pas à aimer mon prochain, je suis invité à me ressourcer dans l'amour du Christ afin qu'il vienne alimenter mon propre amour ». La foi du disciple se développera sainement seulement si elle est enracinée dans l'amour inconditionnel du Christ. Jésus invite les disciples à partager l'amour, celui-ci est de l'ordre du don pour le prochain, il s'agit de tout faire pour permettre au prochain de grandir. Car « aimer, c'est donner quelque chose de soi pour augmenter la vie du prochain… Aimer son prochain, c'est le laisser aller son propre chemin, lui permettre de s'épanouir, d'accomplir sa vocation. Jésus invite ses disciples à entrer dans son intimité pourvu qu'ils fassent ce qu'il commande. Il les appelle ses amis ; avec eux il partage tout ce qui est au fond de sa personne, il leur ouvre son cœur. Jésus révèle, à travers ses enseignements, que la foi est plus que question de croyance, elle est question d'amitié. Avec Jésus tout est relation d'amour : « Dieu est don : en Jésus il s'est donné lui-même aux hommes. Et il continue à nous vivifier sans cesse par sa grâce, en nous rendant capables à notre tour d'aimer comme lui. L'amour grandit à mesure qu'il se donne et qu'il porte du fruit… pour porter du fruit il nous faut ‘demeurer en lui' : ‘Demeurez dans mon amour', nous dit-il aujourd'hui avec la même insistance. Il faut, entre lui et nous, cet échange permanent, cette circulation permanente d'amour qui fait que nous saurons aimer comme lui, à son exemple : ‘Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés'. C'est le même amour qui se répand, qui fait vivre, qui porte du fruit. Le commandement, c'est de ne pas en arrêter la circulation, de ne pas stopper le cours : l'amour du Christ doit irriguer le monde, le transformer !» La vie chrétienne, en partant de tout ce que Jésus vient de dire, apparaît comme une dette d'amitié. Jésus envoie tout baptisé dans le monde, lui fait don de son amitié, source de joie et d'un fruit qui demeure. La vocation du disciple est de porter du fruit. Il s'agit de garder ses commandements – s'aimer les uns les autres. Bref, être ami, porter du fruit, vivre sa vocation, ces paroles sont résumées dans cette phrase récapitulative de l'enseignement de Jésus : « Ce que je vous commande, c'est que vous vous aimiez les uns les autres ».

Fulbert Mujike