Accueillir la bonne nouvelle
Tout le carême est orienté vers la célébration de Pâques : il prépare chacune et chacun de nous à rénover, avec plus de vérité chaque année, les engagements du baptême au cours de la nuit pascale. Dans l'évangile de ce premier dimanche de carême, l'Esprit qui chasse Jésus au désert, c'est le même qui est descendu sur lui au baptême quand il a reçu une belle révélation de Dieu : « Tu es mon Fils bien-aimé ».
Au désert, Jésus va apprendre ce que signifie être Fils de Dieu. C'est habité par cette conviction profonde de sa filiation divine et animé par l'Esprit que Jésus va traverser l'épreuve de la tentation par Satan. Jésus en sortira humblement vainqueur inaugurant ainsi un temps nouveau qui est en train d'advenir. Jésus triomphe de la tentation la plus radicale qui soit, « celle qui nous atteint tous un jour ou l'autre, dans des formes si subtiles que parfois elles nous écorchent au passage : se situer en dehors de la condition filiale ou, pour le dire autrement, se détourner de l'intimité avec le Père au cœur des défis quotidiens.
Dans le désert, Jésus reste fidèle à sa vocation, si bien que le ciel et la terre - symbolisés par les anges et les bêtes sauvages – retrouvent, grâce à lui, une cohabitation harmonieuse, signe de l'avènement d'un monde nouveau ». Dans le livre d'Isaïe on trouve déjà cette image de la compagnie apaisée avec les bêtes sauvages lorsque le prophète a dépeint les temps messianiques sous les traits de la réconciliation de la création : « Le loup séjournera avec le mouton, la panthère se couchera avec le chevreau ; le taurillon, le jeune lion et les bêtes grasses seront ensemble, et un petit garçon les conduira ». Redécouvrons donc le carême comme une occasion de laisser cette création nouvelle advenir en nous, autour de nous et par nous.
Les quarante jours de l'épreuve de Jésus évoquent les quarante ans passés au désert par les Hébreux ou les quarante jours pendant lesquels Moïse a jeûné en attendant que Dieu lui donne les Tables de la loi. Il s'agit des quarante jours d'épreuves, mais aussi du temps de gestation qui débouchera sur une nouvelle naissance dans la mesure où Satan n'a pas réussi à séparer le Fils du Père. Ceci sera possible si nous croyons en Jésus qui nous dit : « Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle ». Cette bonne nouvelle c'est la personne de Jésus et le message qu'il proclame, et qu'il s'agit d'accueillir dans notre propre histoire pour faire advenir le temps de Dieu. Les quarante jours de carême sont pour nous l'occasion d'habiter plus consciemment notre condition d'enfants de Dieu pour que nous goûtions la joie de vivre en présence du Père tout en laissant son amour nous atteindre au creux de nos déserts existentiels. Il nous faut pour cela accepter, comme Jésus de vivre sous la mouvance de l'Esprit Saint car comme dit Paul : « tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu ».
Frères et sœurs, « nous sommes invités aujourd'hui à faire, avec le Christ, une expérience de désert… Aller au désert, est une décision spirituelle : c'est vouloir se désencombrer d'un tas de préoccupations inutiles, prendre un long temps de silence sans téléphone, sans Internet, sans réseaux sociaux, etc. ; c'est volontairement, ne plus se ‘brancher' que sur Dieu : c'est se dépouiller de tout et, même de nous-mêmes, pour le laisser nous parler, nous envahir de sa tendresse… ». Ce premier effort de carême que l'Église nous propose, malgré nos rythmes et nos modes de vie actuels, doit être poursuivi de sorte qu'une fois atteint il nous lave et nous purifie de bien de toxines modernes pour faire place à Dieu et à lui seul. C'est lui qui nous donnera sa vie, la vie nouvelle à laquelle nous aspirons.
Fulbert Mujike