Tous concernés
Un lépreux vient à Jésus… Si l'Evangile décrit beaucoup de rencontres avec Jésus, celle d'aujourd'hui est particulière car il s'agit de la rencontre avec un lépreux. Dans l'Ancien Testament comme du temps de Jésus, cette maladie faisait tellement peur qu'elle était considérée comme un châtiment de Dieu et d'une contagion redoutable. Pour s'en prémunir, les sujets malades étaient isolés et habitaient à l'écart. Ils étaient vus comme des intouchables et des morts ambulants, « car au temps de la Bible, on ne connaissait pas de remède à la lèpre, on ne pratiquait qu'un seul traitement : l'exclusion ». Le malade, en plus de sa maladie, était marginalisé, culpabilisé car il était considéré comme impur et pécheur.
Le lépreux de l'évangile était dans ce cas. Lorsqu'il a entendu parler de Jésus, il est vite venu à sa rencontre sollicitant d'être rendu pur pour bénéficier de la réintégration sociale et de la justice devant Dieu. Pour rendre pur le lépreux Jésus viole l'interdit et touche le malade. Non seulement il le touche, Jésus le guérit. Jésus est bien ce que pensait le lépreux : celui qui peut ce qu'il veut, à condition de croire en lui. Voilà comment on le rencontre, lui qu'aucune misère ne rebute. En touchant le lépreux, Jésus prend sur lui son exclusion. Marc 1, 45 le dit clairement : « Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Il se tenait dehors, dans les lieux déserts… » Au lieu que l'impur contamine le pur, dans le cas de Jésus c'est l'inverse qui se produit. A propos du Christ, Calvin dit justement : « Tu t'es humilié pour nous exalter, tu as été asservi pour nous affranchir, tu t'es appauvri pour nous enrichir, tu as été vendu pour nous racheter… Tu as été fait malédiction pour notre bénédiction, offert au péché pour notre justice, tu as été défiguré pour nous figurer, tu es mort pour notre vie ». Jésus tient la place qu'occupait le lépreux avant qu'il ne soit purifié.
Dans l'attitude de Jésus nous voyons la victoire de l'amour sur la loi, le triomphe de la foi en Dieu. Jésus hait le mal et le péché, mais ne cesse d'aimer le malade et le pécheur leur permettant de se sentir encore et toujours des êtres humains à part entière. Il est celui qui tend la main et ne repousse pas, il détruit les frontières au lieu d'en établir et soulage plutôt que d'accabler. Nous remarquons que « dès les débuts de son ministère, Jésus s'intéresse à tous les exclus. On lui en parle et on le conduit vers eux, dans leurs maisons, d'autres viennent à lui ou bien lui-même les rejoint sur la route, comme le lépreux d'aujourd'hui. Car Jésus est venu pour ‘rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés' (Jn 11, 52)… Il appelle les malades et infirmes laissés au bord du chemin, il les remet debout, en état de marche. » Et c'est sans trêve que Jésus a poursuivi son action de rassemblement pour mettre fin aux exclusions, malgré les obstacles, les trahisons, les reniements car il savait que le salut dont il était porteur concernait tout le monde sans discrimination ni exclusion pour quelque motif que ce soit.
Que faisons-nous à notre tour pour ressembler à Jésus ? Si dans nos sociétés la lèpre a disparu, qu'en est-il de l'exclusion ? Que faisons-nous de ces frères et sœurs qui sont plongés dans le malheur ? Portons-nous des accusations contre eux ou bien travaillons-nous à faire tomber les étiquettes qui collent à leur peau, à faire tomber les ségrégations et les exclusions ? Dans nos sociétés, des personnes sont encore victimes des exclusions. C'est le cas notamment des sans-papiers refoulés, des chômeurs écartés du monde du travail, des conjoints séparés, des enfants abandonnés des sans domicile fixe, etc. Allons-nous, comme au temps de Jésus, tenir loin de nous tous ces sans voix ? Je pense plutôt que chacun de nous est appelé à reconnaître sa propre lèpre, à se laisser toucher et contaminer par la Parole de Dieu qui purifie et libère de toutes les formes modernes de lèpre.
Puisse chacun se mettre à la volonté de rassemblement de Jésus et contre les discriminations et les exclusions !
Fulbert Mujike