Le cri

Retrouvez le texte de l'évangile de ce 3e dimanche de Pâques (Luc 24, 13-35) sur le site aelf.org.

Aux côtés des disciples sur la route d'Emmaüs Jésus a marché sans que ceux-ci le reconnaissent. Ces deux disciples sont découragés, démoralisés, perplexes, un peu perdus et errant sur le chemin d'Emmaüs sans trop savoir pourquoi. Il est fort probable que ces disciples aient été vexés par cet inconnu qui se mêle de leurs affaires sans être invité et qui, en plus, les traite « d'hommes sans intelligence et lents à croire tout ce que les prophètes avaient annoncé ». Comme pour ces disciples, Dieu ne respecte-t-il pas nos lenteurs, le temps de notre cheminement ? Tout en étant là, il nous laisse le temps, il guette et attend jusqu'à ce que notre cœur s'ouvre à sa présence. Il est là présent attendant que la rencontre avec lui nous brûle le cœur et nous permette de lui crier : « Reste avec nous ; le jour baisse déjà et la nuit approche ». Nos sentiments ne sont-ils pas mitigés quand nous observons tout ce qui se passe autour de nous depuis plusieurs semaines ? Dieu nous met-il à l'épreuve ? Pourquoi son long silence même si celui-ci ne peut être qu'apparent ? Dieu nous abandonne-t-il ? Pourquoi nous laisse-t-il dans la souffrance ? La situation dans laquelle se trouvent les deux disciples à l'approche de la nuit fait probablement écho au soir de nos vies, de nos espérances, au soir de nos certitudes humaines et prétentions démesurées… Oui, « le cri des disciples d'Emmaüs fait tellement écho à nos soirs de tristesse et de doutes, à nos soirs d'échecs et d'angoisses, qu'il devient parfois le nôtre. Il est le cri de l'humanité perdue ». Nos cœurs se passeront-ils de cette question : Seigneur où es-tu ? Où es-tu pendant que les nôtres meurent et sont inhumés dans des conditions difficilement supportables ? Le « esprits lents à croire » de Jésus est un appel au sursaut, une invitation à toujours nous tourner vers lui, un encouragement et conseil à reprendre la route de la foi pour accueillir la Parole de vie. Jésus est le vivant pour toujours, il suffit de le reconnaître. Saint Pierre ne nous dit-il pas : « durant le temps qui vous reste à passer sur la terre, montrez dans votre conduite le respect que vous avez pour lui (Dieu). Vous savez, en effet, à quel prix vous avez été délivrés de l'inutile manière de vivre que vos ancêtres vous avaient transmise » (1 Pi 1, 17b-18a) ? Ou encore : « Bien-aimés, vous tous, les uns envers les autres, prenez l'humilité comme tenue de service. En effet, Dieu s'oppose aux orgueilleux, aux humbles il accorde sa grâce. Abaissez-vous sous la main puissante de Dieu, pour qu'il vous élève en temps voulu. Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu'il prend soin de vous. Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances. Après que vous aurez souffert un peu de temps, le Dieu de toute grâce, lui qui, dans le Christ Jésus, vous a appelés à sa gloire éternelle, vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables » (1Pi 5, 5b-10). Suffit-il de crier vers Dieu ? Non, je pense que dans les circonstances actuelles chacun de nous est appelé à faire sa part, à se responsabiliser, à respecter les gestes barrières martelés par le conseil national de sécurité pour que le covid-19 soit derrière nous. A défaut de cela, si nous ne faisons rien pour que le virus ne reprenne pas de l'ampleur, nous nous verrons obligés de faire marche arrière. Etre en alerte, demeurer vigilant, être un veilleur et un guetteur, voilà des termes que nous allons entendre souvent au moment où va commencer le déconfinement progressif. Ces termes engagent notre responsabilité car il s'agit de s'assumer face au danger du retour à grande échelle du covid-19. Il s'agit de vivre sa liberté individuelle et même collective de façon responsable pour ne pas être surpris. En s'assumant ainsi nous ne risquons pas de laisser encore la gestion de notre liberté, de notre autodétermination qui nous est chère à d'autres personnes comme ça été le cas ces dernières semaines. Le moment du relâchement n'est pas encore venu et plus rien ne sera comme avant. Les dernières semaines de confinement ont-elles suffi pour en tirer des conséquences pour l'avenir ? Nous voulons voir nos églises rapidement rouvertes pour des célébrations ! Nous avons bien raison, mais cela ne dépendra que de notre comportement. A chacun de s'assumer. L'expérience du confinement qui est plus qu'une assignation à domicile, nous a fait prendre conscience qu'une vie liberticide tue notre liberté et est contraire au fait de s'assumer. Nous devrions dès maintenant savoir ce que nous voulons pour ne pas refaire l'expérience d'une prison à ciel ouvert avec des règles encore plus strictes. Tenons bon, protégeons-nous, prenons soin de nous et des autres et crions vers le Ressuscité, lui qui essuiera toute larmes de nos yeux. Avec lui, « Il n'y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. Les choses anciennes auront disparu » (Ap 21, 4).

Que le bonheur de reconnaître Jésus soit notre joie à tous dès maintenant.

Fulbert Mujike

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