Honte de la Croix du Christ ?
Trois disciples parmi les plus proches sont choisis par le Christ pour être témoins de certains événements qui entrent dans l'ordre de l'intimité. C'est le cas notamment du relèvement de la fille de Jaïre (Mc 5, 37), du combat qu'il mènera dans la prière au jardin de Gethsémani (Mc 14, 33) et aujourd'hui de la transfiguration. Ayant conduit seuls à l'écart sur une haute montagne Pierre, Jacques et Jean, Jésus, dans ce lieu retiré, fut transfiguré. Il s'agit d'un événement qui relève d'une expérience spirituelle et qui ne peut être décrit objectivement. Au moment de la transfiguration, Jésus est simplement devenu totalement transparent à la présence de Dieu.
Pareil événement n'est pas à comprendre comme veut le faire Pierre qui reste rivé à ce qui vient de se produire, car il en appelle au croire, à la foi. Il n'est donc pas question de chercher à s'installer dans le voir, mais d'écouter et de croire dans la mesure où la foi est du domaine de l'intériorité et non de celui des sens.
L'Evangile de la transfiguration renvoie à la croix et c'est pour les disciples que Jésus a été transfiguré. Cet épisode s'adresse au(x) disciple(s) et invite « à assumer la fragilité de ma vie, cultiver en moi le creux, le manque, le désir pour laisser de la place à Dieu et au prochain… Si la transfiguration évoque la gloire, c'est pour annoncer la croix ! Jésus va être arrêté, jugé, torturé, crucifié… les disciples vont être désemparés, mais lorsqu'ils se souviendront de cet événement, ils sauront que c'est le Dieu de Moïse et d'Elie qui est humilié. »
Avec cette théophanie ou cette manifestation de Dieu, on est devant une des vérités qu'on ne peut comprendre avant d'être arrivé au terme de l'histoire. C'est pour cela que Jésus recommande le silence aux disciples. Ce qu'ils ont vu et entendu, cette mémoire, ils vont devoir l'emporter avec eux jusqu'à ce que le Christ soit relevé d'entre les morts. Cette discrétion est une façon de dire que « la transfiguration doit s'interpréter à la lumière du couple crucifixion-résurrection ». Renvoyé à son quotidien, le disciple ne doit donc pas avoir honte de la croix qui se dresse sur son chemin, il doit l'affronter jusqu'à en triompher. Faudra-t-il arrêter le temps devant l'émerveillement provoqué par la manifestation de Dieu ? Non, « Pierre qui, en extase devant la lumière de la transfiguration, s'écrie : ‘Seigneur, il est heureux que nous soyons ici' (Mt 17, 4), est invité à revenir sur les routes du monde, pour continuer à servir le royaume de Dieu. ‘Descends, Pierre ! Tu voulais te reposer sur la montagne : descends, [proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, reproche, exhorte, encourage avec grande bonté et par toute sorte d'enseignement] (2 Tm 4, 2). Travaille, prends de la peine, souffre des tortures, pour posséder ce que signifient les vêtements blancs du Seigneur, par la blancheur et par la beauté de ton action droite inspirée par la charité ».
Par cette transfiguration, Jésus « voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la grandeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa passion volontaire ne bouleversent leur foi. Mais il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Eglise, en faisant découvrir à tout le corps du Christ quelle transformation lui serait accordée… »
Avec la transfiguration du Christ « commence pour les disciples et pour nous, le temps de la foi ou de la marche à la suite du Christ : croire en lui, c'est l'écouter, ou, selon l'étymologie du mot, lui obéir, lui faire confiance, le suivre. Ecouter, faire ce qu'il nous dira, comme le conseillera Marie un jour à Cana… Ecouter, faire ce qu'il nous demande, même si cela nous coûte… Ecouter, parce que ce qu'il nous commande n'est inspiré que par l'amour, n'est qu'au service de la vie ».
Efforçons-nous alors de redire chaque jour oui à l'amour de Dieu malgré la présence de la croix. Sur notre chemin.
Fulbert Mujike
